Deus Ex : Human Revolution #1

Entrée 001, Detroit – Résidence Chiron

Trois mois déjà depuis l’attaque… J’aurai dû mourir ce soir-là, comme Megan, comme Vassili, comme tous les autres… Est-ce que ça n’aurait pas été plus simple ? Plutôt que de subir ça.

Entrée 002, Detroit – Résidence Chiron

J’ai encore brisé un verre ce matin. Il traînait là, sur un coin de table, oublié, encore à moitié plein d’un de ces mauvais whiskys. Je n’ai fait que l’effleurer, il a volé en éclats. Merde. Je n’y arrive pas, je n’y arrive pas !

Entrée 003, Detroit – Résidence Chiron

« Vous vous y ferez Monsieur Jensen, ne vous inquiétez pas ». C’est ce que disent les médecins. Je veux les croire, j’essaie d’y parvenir de toutes mes forces, je me répète sans cesse que je ne suis pas le seul augmenté, qu’ils sont nombreux, là, dehors, de plus en plus nombreux… Mais je n’y arrive pas. Je n’y arrive pas.

Je ressens encore des démangeaisons, des douleurs, des tiraillements dans chacun de mes membres amputés. Quatre mois déjà qu’ils ont été remplacés par du plastique et du métal, des fibres synthétiques et des câbles d’acier. Mon sang s’est changé en huile et bientôt je devrai commencer à m’injecter de la neuropozyne pour que ce qui reste de mon corps ne rejette pas les greffes. Bordel. Est-ce qu’on peut vraiment vivre comme ça ?

Entrée 004, Detroit – Résidence Chiron

Cinq mois depuis l’attaque. Je réapprends à vivre. Mes implants neuronaux fonctionnent bien. Le reste aussi. Enfin je crois… Au fond, le pire, ce n’est pas les augmentations. Non, le pire, c’est de ne pas avoir pu choisir.

Entrée 005, Detroit – Résidence Chiron

J’ai encore rêvé de Megan cette nuit. Et de l’attaque.

C’était une soirée agitée chez Sarif Industries. Megan et son équipe de chercheurs s’apprêtaient à quitter Detroit pour Washington où se réunissait la commission du Conseil Scientifique National sur les augmentations et l’éthique et tout le monde était à cran. L’annonce récente par Sarif Industries d’un procédé révolutionnaire qui rendrait les augmentations accessibles à tous avait déclenché des vagues de protestations contre le transhumanisme dans tout le pays.

Les activistes du Front pour l’Humanité menaçaient de plus en plus ouvertement de s’en prendre à tous les acteurs du secteur des biotechnologies et depuis des semaines je travaillais d’arrache-pied à la mise en place du dispositif de sécurité qui encadrerait le déplacement de notre équipe de recherche à Washington.

Ce soir-là, j’avais retrouvé Megan dans son bureau. Elle était anxieuse. Je me souviens qu’elle tripotait sans cesse son collier… C’est moi qui le lui avait offert. Dans une autre vie. J’ai voulu la rassurer, lui dire que tout irait bien, que j’y avais veillé. Mais ce n’était pas les questions de sécurité qui la préoccupait. Non. Elle était angoissée à l’idée de présenter ses travaux à la commission. Ça ne lui ressemblait pas pourtant. Megan avait toujours été très sûre d’elle, sûre de ces recherches, de ses motivations…

Et puis David Sarif a téléphoné. Elle lui a fait part de ses inquiétudes. Elle avait peur, peur que la commission ne l’interroge sur la façon dont elle avait obtenu ses résultats. Pourquoi ?

Sarif a balayés ses craintes d’un revers de la main. Les avocats de l’entreprise seraient aux côtés de Megan lors de l’audition, prêt à noyer les questions gênantes sous leurs arguties juridiques. Des questions gênantes ? De quoi parlaient-ils ? Je n’y accordais pas d’importance sur le moment. Je ne suis pas un scientifique et tout cela ne me concernait pas vraiment. Mon boulot à moi, c’était d’assurer la sécurité, pas de poser des questions sur l’état des recherches et justement, Sarif souhaitait me voir dans son bureau. De toutes façons, je n’aurais sans doute rien compris aux explications de Megan. Et aujourd’hui… quelle importance ? Elle est morte.

Nous avons traversé une dernière fois les laboratoires en discutant, comme à chaque fois, du bien et du mal que pouvaient apporter les augmentations. Megan et David avaient la foi. Pour eux, les augmentations représentaient l’avenir de l’Homme. A leur façon, je crois qu’ils ont raison mais je sais que chaque médaille à son revers. Pas difficile de s’en convaincre lorsqu’on sait que les premiers clients de Sarif Industries sont des militaires et que notre dernière invention, le Typhoon, est un système d’auto-défense létal. Mais Megan était chez elle ici et j’admirai la façon dont elle conversait avec moi tout en gardant un œil attentif sur les préparatifs de son équipe, adressant à l’un ou à l’autre un conseil de dernière minute. Je la trouvais brillante. Véritablement brillante.

Dans l’ascenseur, le ton a changé. A demi-mots, nous avons évoqué notre séparation. Je crois qu’au fond, nous la regrettions tous les deux… Peut-être qu’aimer ne suffit pas toujours. De toute façon, elle est morte.

Ce tête-à-tête, notre dernier, a été grossièrement interrompu par l’arrivée de Pritchard, le responsable du service informatique. Un emmerdeur. Un emmerdeur compétent. Les pires. Megan nous a quitté pour rejoindre son équipe. C’est la dernière fois que je la voyais. Pritchard et moi sommes montés ensemble jusqu’au dernier étage. Lui avait rendez-vous avec Athènes Margoulis pour lui expliquer le fonctionnement des puces GPS qui équipaient nos chercheurs « au cas où le dispositif de sécurité serait insuffisant » disait Pritchard. Je me rappelle avoir répliqué crânement qu’il n’en serait rien. Si j’avais su…

David était au téléphone quand je l’ai rejoint dans son bureau, occupé à s’assurer de la présence de diverses sommités lors de la présentation des découvertes de Sarif Industries. Il aime se faire passer pour un idéaliste mais il n’oublie pas pour autant d’être un commerçant. J’ai encore du mal à le cerner. Un beau parleur, c’est certain, mais je pense qu’il croit sincèrement pouvoir améliorer les choses grâce aux augmentations. Améliorer… mais à quel prix ?

A peine avais-je finis d’exposer à Sarif le détail du dispositif de sécurité que l’écran de contrôle du bureau virait au rouge et que l’alarme incendie se mettait à hurler. Les capteurs faisaient état d’une défaillance environnementale dans le sous-secteur six des laboratoires. J’ai plongé dans l’ascenseur privé du patron pour me précipiter là-bas.

En arrivant, j’ai vite compris qu’en fait de défaillance environnementale, c’était un véritable assaut que Sarif Industries subissait. Plusieurs foyers d’incendie s’étaient déjà déclarés et plusieurs cadavres gisaient dans les couloirs.

Je suis rapidement tombé sur plusieurs groupes armés, des mercenaires certainement, que j’ai dû abattre. Dire que j’avais rejoint le secteur privé en espérant ne plus avoir à tirer sur personne… J’ai bien fait une dizaine de morts ce soir-là.

Et puis je suis tombé sur les trois augmentés qui menaient l’assaut. Deux hommes et une femme, tous complètement modifiés avec des prothèses militaires de dernière génération. L’un d’entre eux m’a frappé sans que je ne sois capable de lui opposer la moindre résistance. Je gisais au sol, à moitié mort, quand mon agresseur a décidé de m’achever d’une balle dans la tête. C’est la dernière chose dont je me souvienne. La gueule du revolver braquée vers moi, la flamme, le bruit.

Je n’aurai pas dû survivre. D’après les rapports des médecins, j’avais le bras gauche et la cavité abdominale en bouille, et je ne parle pas de mon crâne. Sarif m’a fait poser des augmentations et a demandé également à ce qu’on remplace mon bras droit et mes jambes comme mon contrat de travail le lui permettait. Jamais j’aurai crû que ces clauses auraient à s’appliquer. Je ne sais pas si je dois lui en vouloir pour ça. Ce sont les augmentations qui m’ont sauvé la vie c’est sûr. Mais fallait-il me retirer le peu qui me restait ? Quel sera le prix à payer pour continuer de vivre ?

Entrée 006, Détroit – Résidence Chiron

Je n’ai pas encore eu besoin d’injection de neuropozyne, mais j’imagine que ça ne va pas tarder. Tous les augmentés en ont besoin. Je suis à l’affût de la moindre douleur, du moindre signal. Mais tout fonctionne bien. Pour le moment. Je ne sais plus si je dois m’inquiéter.

Entrée 007, Détroit – Résidence Chiron

Mes prothèses cybernétiques ne sont pas des augmentations ordinaires. C’est du matériel de guerre. Qu’est ce qui a pris à Sarif de me faire implanter ça ? Merde j’ai des lames rétractables de quarante centimètres logées dans mes avant-bras ! Qu’est ce que je vais découvrir d’autre ? Un châssis de combat ?!

Qu’est ce que je suis devenu ?

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